D. Lüthi u.a.: Le client de l’architecte

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Titel
Le client de l'architecte. Du notable à la société immobilière : les mutations du maître de l'ouvrage en Suisse au XIXe siècle


Herausgeber
Lüthi, Dave
Reihe
Études de Lettres 4
Erschienen
Lausanne 2010: Études de Lettres
Anzahl Seiten
252 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Paul Bissegger

Jeune professeur en histoire de l’art monumental régional à l’Université de Lausanne, Dave Lüthi mène – entre autres – une réflexion orientée vers la sociologie. Ainsi, dans la droite ligne de la vulgarisation entreprise chez nos voisins français par Gérard Ringon, Histoire du métier de l’architecte en France (PUF, Que sais-je?, 1997), il a fait paraître, en collaboration avec Gaëtan Cassina, La profession d’architecte en Suisse romande, XVIe siècle-XXe siècle (Études de Lettres 1, 2009), puis a écrit seul La construction de l’architecte. Histoire d’une profession en Suisse romande, 1800-1940 (Alphil, 2010). Dans la même veine, il a collaboré à La professionnalisation des métiers du patrimoine (RéseauPatrimoineS 12, mars 2011).

L’ouvrage signalé ici, résultat d’un colloque organisé en mars 2010, élargit le champ de vision au maître de l’ouvrage. Dix auteurs, éclairant la seconde moitié du XIXe et le début du XXe siècle, y abordent deux thématiques spécifiques: 1° L’architecte et son client, 2° Les sociétés immobilières.

Ainsi, Doris Huggel signale l’architecte Paul Reber qui, en 1866-1868, pour la construction de l’église de Kilchberg (Bâle-Campagne), doit tenir compte des goûts d’un mécène habitant l’Angleterre et donnant comme modèle l’église Saint-George d’Everton (1813-1814), icône des églises à charpentes métalliques. À Kilchberg, pour des raisons économiques, le bois remplace le fer, mais l’église est l’une des premières en Suisse à montrer une si forte influence anglo-saxonne. Dans le Jura bernois, au tout début du XXe siècle, René Koelliker présente un architecte promoteur du «style sapin», René Chapallaz, dans ses rapports avec la Tavannes Watch Co. Quant à Gilles Prodhom, il éclaire la figure du promoteur Édouard Dapples, politicien libéral et syndic de Lausanne durant plus de quinze ans, mécène qui n’oublie pas ses intérêts particuliers. Ainsi, en 1865, l’une de ses opérations immobilières privées suscite une vive polémique. Le Conseil d’État, appelé en arbitre, ne peut que constater une violation grave du devoir de réserve. Possesseur aussi du château de Crissier, Dapples est associé durant sa seconde syndicature au percement de la rue Haldimand, à la construction du deuxième hôtel des postes, et à un projet de quartier neuf à Montbenon. Dans le même domaine, Joëlle Neuenschwander-Feihl illustre l’industriel Jean-Jacques Mercier, l’un des créateurs de la Compagnie du Lausanne-Ouchy. L’auteur apporte ici un éclairage nouveau sur l’étroite relation liant le maître de l’ouvrage à Francis Isoz, son architecte, à l’occasion de la transformation des vestiges de l’ancien château épiscopal d’Ouchy en hôtel néogothique (1884-1893).

Puis Dave Lüthi évoque les sociétés immobilières à travers l’exemple lausannois, où le marché est influencé après 1845 par la création récente d’une banque cantonale et par une nouvelle loi sur les sociétés commerciales (1852). Dès lors, le poids des responsabilités se déplace du bâtisseur individuel vers des structures anonymes. À la place du Tunnel, au Vallon, à la rue du Nord, des sociétés à but philanthropique, voire des coopératives, érigent des logements pour la classe populaire. Tandis que dans des secteurs mieux situés, à la rue Halimand, au quartier du Mont d’Or, au boulevard de Grancy, des entreprises à visées spéculatives ciblent une clientèle aisée en fonction de son pouvoir d’achat.

Pour Neuchâtel, Claire Piguet analyse la répartition des rôles entre actionnaires, autorités et entrepreneurs, tandis que, dans la cité de Calvin, Frédéric Python s’attache aux prestations bien documentées de la Société immobilière genevoise (1853-1889). Julie Lapointe donne un foisonnant avant-goût de sa thèse consacrée à l’industrie hôtelière dans l’arc lémanique, qui a permis non seulement la réalisation de bâtiments ambitieux, mais a doté tout particulièrement la région de Montreux d’infrastructures d’hébergement, de transport et de divertissement. De grands promoteurs hôteliers collaborent étroitement avec des architectes devenus spécialistes en la matière, comme l’attestent deux riches annexes: le tableau des sociétés d’hôtels dans l’arc lémanique entre 1826 et 1914 et celui des architectes impliqués dans ces constructions.

Enfin, en guise de postface, Cédric Humair inscrit la relation de l’architecte avec son client dans le contexte plus vaste de la révolution industrielle: de nouvelles technologies modifient les méthodes de construction, les processus de division et de spécialisation du travail s’intensifient. En parallèle, le statut d’archi tecte se dégage du flou dans lequel il a longtemps baigné, ce qui n’est bien entendu pas sans conséquences sur les rapports qu’il cultive avec le maître de l’ouvrage.

Citation:
Paul Bissegger: Compte rendu de: Dave LÜTHI (dir.), Le client de l’architecte. Du notable à la société immobilière: les mutations du maître de l’ouvrage en Suisse au XIXe siècle, Lausanne: Études de Lettres 4, 2010. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 119, 2011, p. 338-339.

Redaktion
Veröffentlicht am
10.07.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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